Guilaine Guilaumé, coordinatrice, 11 octobre 2019
Bienvenue pour cette nouvelle édition de l’Antenne clinique d’Angers 2019-20 qui est
l’un des trois dispositifs angevins permettant de rencontrer l’enseignement de Lacan.
Ces trois dispositifs font partie du Champ freudien et sont chacun issus d’une structure
nationale : pour l’ACA, c’est Uforca (Union pour la formation continue en clinique
analytique), pour l’ACF, c’est l’Ecole de la cause freudienne et pour la Ronde enfantine,
c’est le Cereda (Centre d’études et de recherches sur l’enfant dans le discours
analytique).
La spécificité de l’Antenne clinique est d’être un organisme de formation permanente,
référencé comme tel, qui s’adresse à tous les professionnels de la Santé mentale et
du Champ social.
L’Antenne clinique à Angers, c’est un comité de coordination, des enseignants et des
participants et c’est un hôpital, le Cesame, qui accueille les enseignements dans ses
locaux depuis plus de 25 ans.
Chaque rentrée de l’ACA remet en jeu l’orientation donnée par Jacques Lacan dès le
début de son Séminaire en 1953 : le retour à Freud est une réinvention de la
psychanalyse contre sa « dissolution dans la psychologie générale ». Lors de chaque
nouvelle année de l’Antenne, il s’agit de rejouer cette réinvention en s’intéressant à ce
qu’il y a de plus spécifique à la psychanalyse pour rendre compte de sa singularité.
Pour cette nouvelle année de travail, je propose un titre :
Cap sur le réel
J’emprunte cette formule à Jacques-Alain Miller dans le texte intitulé Vers le réel, texte
paru dans l’ouvrage Comment s’orienter dans la clinique (Le champ freudien éditeur,
2018) et qui est un recueil de cas cliniques.
J-A Miller indique que « le rôle que la psychanalyse a à soutenir ne souffre pas
d’ambiguïté, c’est le rappel du réel qu’il lui revient d’annoncer ».
C’est dans chacun des modules de l’Antenne clinique que nous tenterons de nous tenir à
la hauteur de cette indication de J-A Miller.
Tout d’abord, avec les Présentations de malades où il s’agit d’entendre, à chaque fois,
pour chaque sujet qui vient nous parler, ce qu’il en est du réel qui se présente à lui sous
des espèces diverses et contre lequel il tente de se défendre, y compris en se réfugiant à
l’hôpital.
Le réel, « signifiant extrême » dit encore JAM dans son cours L’orientation lacanienne et
dont on trouve la leçon du 25 novembre 1988 dans l’ouvrage collectif : Lire Lacan au
XXIème siècle (Champ social éditions, 2019).
A propos des Présentations de malades, lisons et relisons ce texte important de J-A
Miller dans La Conversation d’Arcachon (Agalma-Le Seuil 1997). C’est tout à la fin et c’est
intitulé : Enseignements de la présentation de malades ; J-A Miller cite Lacan : « La
clinique, c’est le réel comme l’impossible à supporter ». C’est cela, ajoute-t-il, la
dimension clinique est tragique. Elle l’est pour le patient, elle l’est aussi bien pour le
thérapeute. N’est-ce pas ce qu’on vérifie tous les jours – que ce réel est insupportable
aux thérapeutes, et d’autant plus qu’ils se dévouent davantage ? « Cherchez l’issue »,
l’issue, c’est nous qui appelons ça comme ça ; l’issue, la sienne, ledit malade mental l’a
trouvée, c’est sa maladie. Et si nous cherchons l’issue pour lui, à sa place, eh bien, c’est
peut-être notre façon à nous d’aller mal ».
Le module d’élucidation des pratiques, quant à lui, s’oriente à partir de la fonction du
symptôme. Chaque participant est invité à présenter un cas de sa pratique qui fait
l’objet d’une conversation et de propositions pour orienter l’acte du praticien à la
lumière de la singularité du sujet. A ce propos, nous pouvons prendre appui sur la
notation de Carole Dewambrechies-La Sagna dans l’introduction de l’ouvrage Comment
s’orienter dans la clinique : « La clinique analytique qui consiste, comme le dit Lacan,
dans « le discernement de choses qui importent ». Ces derniers mots sont de Lacan,
dans « Ouverture de la Section clinique » en 1977. Ces choses qui importent et signalent
le réel en jeu, c’est ce que nous aurons à débusquer dans chaque texte qui nous sera
proposé.
Le module d’étude de texte que nous avons retenu cette année est La science des rêves
dans la perspective du XIIème Congrès de l’Association mondiale de psychanalyse qui se
tiendra à Buenos Aires en avril 2020 sous le titre : Le rêve. Son interprétation et son
usage dans la cure lacanienne, congrès dont vous pouvez déjà lire les travaux
préparatoires et des textes d’orientation sur le site de l’ECF. En 2020, nous serons 120
ans après le début de la psychanalyse et la publication par Freud de L’interprétation des
rêves. « Nous vivons une époque que certains qualifient d’époque de la transparence, il y
règne une perte de sens, tout est exposé et montré explicitement, effaçant la distinction
entre privé et public. Cependant les rêves maintiennent un lien avec le plus intime
(…). Les rêves ne sont pas transparents ! (…) Pour rêver nous fermons toujours les
yeux ! » (extrait du texte de présentation du Congrès de l’AMP par Silvia Baudini et
Fabian Naparstek)
Par ailleurs, un module d’Introduction à la psychanalyse va nous permettre de relire
les grands textes freudiens. Cette année, c’est le symptôme qui est au cœur de
l’enseignement car il est au cœur de l’expérience analytique. Il est ce dont les sujets
font leur plainte et il n’en est pas moins leur solution. Le symptôme, du point de vue de
la psychanalyse d’orientation lacanienne, est un mode de fonctionnement et non pas
un dysfonctionnement, un trouble mental à « normaliser ». Là où la santé mentale se met
au service de l’ordre public (J-A Miller dans l’article « Santé mentale et ordre public »
Mental, n°3, Janvier 1997), la psychanalyse tente d’aménager une place pour la
« dinguerie » de chacun.
Enfin, et ce n’est pas le moindre, les conférences du soir qui ont pour titre : Devenir une
femme, un homme aujourd’hui, marqueront un ancrage dans l’époque et
constitueront un vecteur vers la journée Uforca national qui se tiendra à Paris le 13 juin
2020 car « L’être sexué ne s’autorise que de lui-même (…) et de quelques autres. (Lacan
in Les complexes familiaux dans la formation de l’individu, Autres écrits p56). Il s’agira,
tout au long de cette année, de tirer les conséquences de cette formulation de Lacan et
de la souplesse offerte par son dernier enseignement pour questionner les formes les
plus actuelles de la clinique qui est la nôtre en institution et dans nos cabinets, et se tenir
à la hauteur de ce réel qui nous regarde. Avec ces conférences, nous mettons l’accent
sur la connexion de la clinique analytique avec les symptômes et les signifiants de
l’époque, car c’est ainsi que le discours psychanalytique est vivant, en se branchant sur
l’époque.
En ce sens, le Discours analytique est politique.